Le 3 avril 2025 marque un quart de siècle depuis les assassinats tragiques du journaliste Jean Léopold Dominique et de son collègue Jean-Claude Louissaint, une date ancrée dans la mémoire collective comme un symbole de l’impunité qui gangrène le système judiciaire haïtien. Un événement tragique dont les ramifications, profondément enfouies sous des couches de corruption et de négligence institutionnelle, n’ont pas encore trouvé de solution satisfaisante.
Les accusations portées contre l’ex-président Jean-Bertrand Aristide, désigné comme le cerveau du double meurtre par son ancien chef de la sécurité, Oriel Jean, continuent de refaire surface. Cet homme, qui a joué un rôle crucial dans les premières révélations, a payé le prix fort pour sa vérité en étant assassiné à son tour. Il est regrettable qu’aucune avancée substantielle n’ait été réalisée depuis la remise du rapport du juge d’instruction Yvickel Dabrézil en janvier 2014, un document qui, loin de déboucher sur une procédure judiciaire effective, semble être resté dans un tiroir, victime de l’inaction des autorités haïtiennes.
La situation décrite par l’association SOS Journalistes, dirigée par Guyler C. Delva, est un cri d’alarme face à un système judiciaire inexistant. L’inaction des autorités et l’élimination méthodique de témoins clés, y compris l’assassinat de l’ancien chef de la sécurité, renforcent l’idée d’une justice inféodée à des intérêts politiques occultes. D’autant plus que cette affaire, portée devant la Cour de cassation il y a plus de dix ans, semble être un sujet tabou, au point d’alimenter des soupçons croissants de complicité au sein même de la justice haïtienne.
Si des personnalités politiques comme l’ancienne sénatrice Myrlande Libérus-Pavert, alliée de l’ex-président Aristide, sont également citées dans cette affaire, c’est tout le système de protection des élites qui est en cause. SOS Journalistes, loin de se résigner à l’oubli, poursuit son combat pour que la mémoire des journalistes tombés sous les balles ne soit pas effacée et que la vérité éclate enfin.
Ce combat va au-delà de la justice nationale, comme le souligne l’appel de l’organisation aux instances internationales pour qu’elles interviennent et exercent une pression significative sur l’Etat haïtien. La communauté internationale, en particulier, ne peut plus se contenter d’assister à ce déni de justice.
Le cri de Jean Léopold Dominique, « Les assassins sont dans la ville ! », résonne plus que jamais, non seulement comme une alerte, mais comme un appel à l’action. La quête de justice en Haïti, loin d’être un événement isolé, est un combat global qui interroge le rôle des institutions, la notion de responsabilité politique et le respect des droits de l’homme dans un pays encore marqué par les tourments de son histoire.