Aujourd’hui, Haïti est pris en étau entre la violence des gangs et l’inefficacité d’une police qui semble plus débordée que combative. Derrière les critiques justifiées de la Police Nationale d’Haïti (PNH), une autre réalité se dessine : celle d’une institution dépassée par l’ampleur de la crise sécuritaire et livrée à elle-même par un Etat en faillite.
La répression des récentes manifestations pacifiques du 19 mars et du 2 avril illustre une police qui se retourne contre ceux-là mêmes qu’elle est censée protéger. Cette brutalité contraste avec leur impuissance face aux bandes armées qui continuent à semer la terreur, comme en témoigne l’attaque du 31 mars à Mirebalais. L’assaut de la prison civile, la libération de 532 détenus et le massacre de civils, dont deux religieuses, démontrent une fois de plus la perte de contrôle des forces de l’ordre sur le territoire national.
Mais peut-on se contenter d’accuser la PNH d’être complice ou complice de cette situation ? A y regarder de plus près, les policiers eux-mêmes sont victimes d’un système qui les abandonne en première ligne. Depuis des années, ils réclament de meilleures conditions de travail, des équipements modernes et une stratégie efficace de lutte contre le crime organisé. Mais face à l’inertie de l’État, ils se retrouvent isolés, sans ressources et parfois même sans espoir.
Le paradoxe est cruel : incapables de lutter efficacement contre les gangs, les policiers canalisent leur frustration sur une population déjà à bout de nerfs. Cet excès de zèle contre les manifestants s’explique-t-il par la peur, par la pression de la hiérarchie ou par un réflexe institutionnel hérité d’une longue tradition de répression ?
Une chose est sûre : la PNH est aujourd’hui une force désorientée, à la fois victime et bourreau, incapable de jouer son rôle fondamental de rempart contre l’insécurité. Mais comment pourrait-il en être autrement dans un pays où l’Etat lui-même est défaillant, où les gangs dictent leur loi et où la population est abandonnée à son sort ?
Sans une réforme en profondeur et une refonte du pacte de sécurité en Haïti, la police continuera d’osciller entre impuissance et brutalité, au détriment de ceux qu’elle est censée protéger en premier lieu : les citoyens.