La nouvelle tentative de médiation lancée par la CARICOM, dans le but de sortir Haïti de l’impasse, aurait pu susciter un espoir légitime. Mais cet espoir a vite fait place à l’amertume. Et pour cause : une fois de plus, les discussions annoncées semblent s’appuyer sur les mêmes personnalités politiques décriées, déjà associées aux dérives du passé. Cette stratégie, loin de rassurer, alimente la méfiance et renforce le sentiment d’abandon de la population.
Depuis des années, Haïti est dans une spirale de crises – politiques, institutionnelles, sécuritaires et sociales. Chaque jour, les Haïtiens vivent dans l’incertitude, l’insécurité et la misère. Face à cela, la classe politique traditionnelle a multiplié les promesses creuses, les alliances opportunistes et les silences complices. Et pourtant, ce sont ces mêmes acteurs que la CARICOM remet aujourd’hui en selle, comme si rien n’avait changé.
Il est urgent de se poser une question simple mais fondamentale : comment reconstruire un pays avec ceux qui ont contribué à sa destruction ? Peut-on vraiment espérer un avenir différent en suivant encore et toujours les mêmes chemins tortueux et corrompus ? Cette répétition, ce recyclage sans fin des élites politiques, est une insulte à l’intelligence collective d’un peuple qui souffre.
Le mal haïtien n’est pas seulement dans les faits, il est aussi dans les pratiques. Et ces pratiques – celles du clientélisme, de l’exclusion et de la manipulation – sont gardées par ceux-là mêmes que nous continuons à inviter aux tables de dialogue. Si la CARICOM veut jouer un rôle utile, elle doit avoir le courage de repenser son approche. On ne guérit pas une blessure en la recouvrant d’un vieux pansement sale.
Haïti regorge de compétences, de talents, de jeunes leaders intègres, de voix alternatives aux idées nouvelles. Mais ces voix sont systématiquement exclues du processus de décision. Mais pourquoi ? Parce qu’elles dérangent. Parce qu’elles ne s’inscrivent pas dans la logique des compromis d’arrière-boutique. Et pourtant, c’est précisément là que se trouve l’avenir du pays.
La communauté internationale doit sortir de sa zone de confort. Elle ne peut plus se contenter de se plier aux visages familiers du système. Relancer les discussions, oui. Mais avec qui ? Et dans quel but ? Il est temps d’élargir la participation, de remettre le peuple au centre, d’ouvrir la porte à une véritable refondation démocratique.
Ce qu’Haïti réclame aujourd’hui, ce n’est pas une énième médiation sans âme. C’est un changement de méthode, de cap, de génération. C’est un courage politique que trop peu osent afficher. Et tant que ce courage fera défaut, les négociations, aussi nombreuses soient-elles, ne seront que des coups de théâtre voués à l’échec.
Haïti n’a plus le luxe de l’immobilisme. Elle mérite plus qu’une reconversion. Elle mérite une pause. Une vraie.